Vivre avec la surdité

Suivi sur 10 ans d’enfants implantés : Premier rapport à 5 ans

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Extrait du numéro 184 de la revue Entendre : L’implant cochléaire, de plus en plus présent

Jacques Racicot

Voici le résumé d’une recherche effectuée auprès d’enfants implantés dans quatre grands hôpitaux de France. Le suivi sera d’une durée de 10 ans, ce premier rapport faisant état des résultats après 5 ans. Pour les autorités, il s’agissait de mettre en place un suivi à long terme. Non seulement pour recueillir l’information sur les complications éventuelles. Mais aussi pour apprécier l’efficacité réelle des implants chez les jeunes enfants avec une surdité neurosensorielle profonde ou totale. Le comité d’étude se compose de scientifiques de diverses appartenances, de membres de la communauté sourde et de parents d’enfants avec une surdité.

Ce suivi longitudinal d’enfants implantés vise à évaluer :

  • Le développement et l’enrichissement de la communication des enfants
  • Leur équilibre psychoaffectif
  • L’intégration familiale et la satisfaction des parents
  • Le volet réadaptation et activités pédagogiques
  • L’intégration scolaire et sociale du jeune.

Les 50 premiers enfants répondant aux trois critères suivants ont été retenus pour cette étude :

  • Surdité profonde acquise avant 2 ans (surdité pré-linguale)
  • Implantation au plus tard à 7 ans
  • Ne pas présenter de troubles associés

Perception de la parole

Le développement de la perception des enfants implantés s’améliore avec la durée d’utilisation de l’implant. Après 24 mois, tous les enfants perçoivent parfaitement les premières différenciations acoustiques. Cette progression s’accentue plus ou moins précocement selon la complexité de la reconnaissance auditive : les phonèmes, les mots et les phrases simples entre 12 et 18 mois après implantation ; les phrases complexes à partir de 24 mois ; les phrases en listes ouvertes à partir de 36 mois. L’évolution de ces performances est plus forte pour les enfants implantés avant 3 ans que pour ceux implantés plus tardivement.

Développement du langage

Au fil des années, le nombre de mots produits augmente plus lentement chez l’enfant implanté que chez l’enfant entendant. Mais il augmente significativement entre 12 et 24 mois et surtout entre 24 et 36 mois après l’implantation. Il se stabilise généralement à 48 mois après l’implantation. Un peu plus de 50 % des enfants arrivent à structurer un schéma narratif cohérent avec l’ensemble des personnages principaux et des personnages secondaires. Une fois encore, les enfants implantés avant l’âge de 3 ans obtiennent les meilleurs scores et réalisent les progrès les plus rapides.

Équilibre psychoaffectif

Les résultats montrent de façon claire l’absence de perturbation de l’adaptation socio-affective par l’implantation au cours des premières années. La majorité des enfants implantés ont un fonctionnement socio-affectif parfaitement normal sans aucun trait déviant.

Scolarisation

À cinq ans post-implant, 26 enfants sont en classe ordinaire, 7 sont en classe spécialisée avec intégration partielle, 12 sont en classe d’intégration scolaire et 5 en établissement spécialisé. En France, le fonctionnement du système scolaire diffère de celui du Québec, ces résultats ne peuvent donc pas être directement reliés à notre système. Tous les enfants ont bénéficié d’interventions spécialisées notamment de séances d’orthophonie. Le temps moyen hebdomadaire de ces séances a été de 3.39 heures au début et a diminué légèrement, d’une année à l’autre pour se situer à 2.94 heures à la fin.

Si le mode de scolarisation est lié aux capacités de communication des enfants, le niveau d’études des parents semble également significatif. Lorsque celui-ci se situe à 12 ans et plus de scolarité, 71.4 % des enfants sont intégrés. Le mode de scolarisation des enfants est lié, en outre, à la catégorie socioprofessionnelle des parents. Les enfants dont le père ou la mère exercent des professions de cadres, des professions intermédiaires ou sont artisans se retrouvent plus souvent en école ordinaire que les autres.

Les parents et l’implantation

On considère positive l’évolution des capacités de la perception des enfants sourds implantés dans la plupart des cas (95 %). Les familles ont parfois été les premières à envisager l’option de l’implantation pour leur enfant. Mais le plus souvent, ce sont les professionnels qui ont évoqué les premiers cette possibilité. Dans ce cas, toutefois, la plupart des familles ont recherché activement d’autres renseignements sur le déroulement et les risques de la chirurgie, le fonctionnement de l’implant, les résultats de l’implant (pourcentage de réussite, gains auditifs, etc.), les réactions post implantation de l’enfant, les contraintes imposées par l’implant et sa durée de vie.

La plupart d’entre elles ont tenu aussi à rencontrer des enfants implantés et leurs parents (98 %) et, dans une proportion non négligeable, des personnes sourdes implantées à l’âge adulte (40 %). Rares, par contre, sont celles qui ont cherché à rencontrer des adultes sourds communiquant en langue signée, dans le cadre de l’exploration d’une alternative éventuelle qui aurait privilégié ce mode de communication.

Un désir d’oralisation

Les parents se sont sentis maîtres de la décision d’implantation. Ils la justifient, généralement, en mettant en avant leur désir d’intégration de l’enfant dans la société et donc d’abord à l’école ordinaire. Celle-ci impliquait pour eux un accès à la langue française orale et écrite. Les enfants implantés ont souvent une meilleure intégration à la vie familiale. Les enfants suivent mieux les échanges entre les divers membres et peuvent plus facilement y participer. La plupart d’entre eux (91 %) apparaissent bien intégrés au sein des diverses activités familiales. Ils participent aux activités sportives, ludiques ou ménagères. Au fur et à mesure que les années passent, les progrès de la communication orale des enfants implantés sont perçus positivement par les trois quarts des parents, plus mitigés pour un cinquième d’entre eux et insuffisants pour 5 %. Pour certains, ces progrès sont qualifiés de miraculeux ou tout au moins de très significatifs.

D’autres parents estiment l’évolution de leur enfant positivement sur le plan de la communication, mais pointent néanmoins des limites, notamment, dans des situations de groupe. Ces limites conduisent d’autres parents à n’être que partiellement satisfaits.

Conclusions générales du rapport

Les enfants étaient âgés de 2 à 7 ans au début du suivi. Les résultats après 5 ans montrent l’apport remarquable de l’implant cochléaire sur le plan de la communication orale pour une majorité d’enfants, mais aussi ses limites. L’acquisition et la production de la langue orale sont possibles, mais demeurent difficiles pour près de la moitié des 50 enfants de l’échantillon. Ceux-ci sont, en règle générale, appelés à suivre une scolarité spécialisée.

L’implantation ne déstabilise pas l’équilibre psychoaffectif des enfants, mais il conviendra d’être attentif aux effets pouvant résulter d’une pression éducative trop accentuée dans certains cas.

Source :
Centre technique national d’études et de recherches sur les handicaps et les inadaptations (CTNERHI)
Suivi longitudinal sur 10 ans d’enfants sourds pré-linguaux implantés – Premier rapport global à 5 ans par J. Sanchez, V. Medina, M. Senpéré et A. Bounot, décembre 2006

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