Vivre avec la surdité

La surdité unilatérale chez l’enfant

top_surdite_unilaterale

Extrait du numéro 166 de la revue Entendre : Surdité unilatérale

Louise Bellemare

Longtemps négligée, la surdité unilatérale a fait l’objet de plusieurs études dans les dix dernières années. On s’est aperçu que ce type de surdité avait plus d’impact chez l’enfant que ce que l’on croyait et qu’un dépistage et une stimulation précoces ainsi que l’utilisation de moyens compensatoires (placement, réduction du bruit, etc.) et de stratégies de communication pouvaient faire une grande différence. Comme c’est souvent le cas, les études n’utilisent pas toutes les mêmes critères, leur attention ne porte pas nécessairement sur les mêmes points, c’est pourquoi j’ai essayé d’en retirer les grandes lignes, de faire un portrait global de mes lectures. J’ai généralisé les différentes données, commentaires et conclusions, par conséquent, vous ne retrouverez pas tel quel ce qui a été écrit dans les documents utilisés comme sources.

Prévalence

Il semble que le taux de prévalence se situerait autour de 13 pour mille enfants d’âge scolaire alors que le taux général de perte auditive (surdité, otites, etc.) tournerait autour de 14,5%. (Ce chiffre m’apparaît énorme.) La surdité unilatérale serait plus fréquente chez les garçons, mais la différence serait très minime. Quant aux causes, elles sont très variées et d’origine inconnue pour 30 à 40 %. Il ne semble pas avoir de nette prépondérance quant à l’oreille atteinte.

Âge du diagnostic

C’est absolument effarant : la plupart des enfants sont dépistés entre 6 et 10 ans, la moyenne se situant autour de 7-8 ans. Les jeunes avec une surdité unilatérale profonde sont parmi les premiers dépistés, les manifestations étant plus évidentes. Heureusement, avec de plus en plus de pays qui mettent en place un programme de dépistage universel à la naissance, l’âge de dépistage aurait tendance à baisser.

Degré de surdité

Selon les enfants étudiés dans chaque recherche, les pourcentages changent, mais les surdités sévères et profondes représentent plus de la moitié des cas. (On avance que c’est peut-être parce que le diagnostique est plus facile.) On remarque aussi que très souvent la surdité s’aggrave : en moyenne de 5,15 dB sur 6,8 ans, plus de 10 dB dans 32,8 % des cas. Ce risque d’aggravation serait d’autant plus important que la surdité initiale est faible. (Donc, aggravation plus marquée et plus fréquente chez ceux avec une surdité unilatérale légère) (1) J’ai également lu qu’il y avait une progression vers une surdité bilatérale dans 15 à 25 % des cas.

Les conséquences sur le plan auditif

Les jeunes avec une surdité unilatérale éprouvent de la difficulté à discriminer la parole dans le bruit. L’attention et la concentration dont ils doivent faire preuve sont des sources importantes de fatigue. L’utilisation d’un système M.F. ou de la lecture labiale sont des moyens de pallier à cette difficulté. La localisation des sons pause également problème. Comme le jeune a besoin d’indices visuels pour bien saisir le message, il est important pour lui d’identifier rapidement la source sonore. La lecture labiale, le langage corporel participent beaucoup à la compréhension du message. Attirer l’attention du jeune, identifier le locuteur, parler un à la fois sont donc des stratégies essentielles pour la participation du jeune.

Sur le plan langagier

Environ le tiers des enfants avec une surdité unilatérale vont présenter des retards langagiers importants. Les habiletés en réception du langage sont un peu plus affectées que celles en émission du langage.

Les troubles du comportement

On note que les troubles du comportement seraient présents chez au moins 20 % des enfants présentant une surdité unilatérale contre 4,4 % dans une population de référence. On parle ici de manque d’autonomie avec forte dépendance à l’adulte, une absence de persévérance face à la difficulté, une forte émotivité et une tendance à l’anxiété, à l’agressivité ou à l’isolement. Le pourcentage augmenterait jusqu’à 62,5 % pour les enfants vivant avec une surdité unilatérale en situation d’échec scolaire. (2)

Les troubles cognitifs

Les jeunes vivant avec une surdité unilatérale éprouveraient des difficultés particulières en ce qui concerne l’organisation de l’espace et du temps. (1)
Les difficultés et les échecs scolaires Même si plusieurs élèves vivant avec une surdité unilatérale éprouvent des difficultés en français (orthographe, lecture), ils ne se démarqueraient pas beaucoup de leurs confrères de classe. Cependant, en mathématiques, ce ne serait pas tout à fait la même chose, 33 % auraient de sérieuses difficultés alors que ce taux serait de 19,3 % chez les entendants. Une autre étude spécifie quant à elle que …les difficultés en lecture n’ont été constatées de façon significative que pour les garçons sourds unilatéraux par rapport aux garçons normo-entendants.

Dans cette population d’élèves (7 134 enfants), les enfants sourds unilatéraux présentaient de façon significative plus de difficultés à la fois en orthographe (53,7 % vs 42,5 %) et en calcul (29,9 5 vs 19,3 %) alors que les autres facteurs comme l’environnement social et familial ou les handicaps associés (comme la déficience visuelle) n’étaient pas différents. (3)

Sur le plan du redoublement scolaire, la surdité unilatérale et ses conséquences ont un impact redoutable. On parle de probabilité de redoublement avant 10 ans de l’ordre de 30 % et ailleurs ces chiffres sont de l’ordre de 35 à 40 % contre 16,3% dans la population entendante. (Les raisons évoquées sont le dépistage tardif, le retard de langage et les troubles de comportement.) Le taux de redoublement augmente proportionnellement avec le degré de surdité.

Quelques pistes

Un programme de dépistage universel à la naissance permettrait une stimulation précoce des enfants. La famille saurait utiliser plus tôt des stratégies de communication, ce qui faciliterait l’accès à un meilleur langage pour l’enfant. La mise en place de moyens compensatoires dès l’entrée à l’école (placement, utilisation du M.F.) et un suivi académique très serré avec soutien si nécessaire (sans attendre que le jeune soit en situation d’échec) aiderait sûrement le jeune. Un aspect souvent souligné dans ces recherches est l’importance d’éviter la détérioration de l’audition. Ainsi une attention particulière aux traumatismes sonores doit se faire : pétards, feux d’artifices, tir à la carabine, course automobile, promenade en motoneige ou en motomarine, utilisation du baladeur, etc. Il faut également être prudent pour éviter les traumatismes crâniens, les infections de l’oreille et la prise de médicaments ototoxiques.

Notes

(1) Nécessité d’un suivi audiologique et scolaire de l’enfant sourd unilatéral – Étude rétrospective de 175 enfants, Watier-Launey, C.; Soin, C.; Manceau, A.; Ployet, M.J., Ann Otolaryngol Chir Cervicofac, 1998, 115 p. 149-155
(2) Répercussion des surdités de perception unilatérales chez l’enfant, Watier-Launey, C.; Ployet. M.J.
(3) La surdité unilatérale de l’enfant : épidémiologie et conséquences. Thèse pour le doctorat en Médecine, Tours, 1995. Watier C. cité dans (2)
– Audiologic Rehabilitation for Children with Unilateral Losses, Kricos; Patricia B. University of Florida, Séminaire virtuel, 7 novembre 2003
– Quels sont les avantages et les désavantages du dépistage et de l’intervention précoces en surdité unilatérale ? Dr Christine Yoshinaga-Itano, University of Colorado – Présentation au Colloque nord-américain sur le dépistage de la surdité et l’intervention à la petite enfance, janvier 2003

Aller au contenu principal