Vivre avec la surdité

Démystifier la langue parlée complétée pour mieux comprendre son utilisation

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Extrait du numéro 211 de la revue Entendre : les modes de communication

Audrey Dupont
Doctorante en éducation, Université de Sherbrooke

Qu’est-ce que la LPC ? lpc

La langue parlée complétée (LPC), le langage parlé complété ou l’oralisme avec soutien LPC sont tous des synonymes. La LPC n’est pas une langue à part entière comme la langue des signes québécoise (LSQ), il s’agit avant tout comme un mode de communication en soutien à l’apprentissage de la langue orale. Ce système de communication visuel utilise huit configurations de la main à cinq endroits sur le visage et inclut la lecture labiale. La main du locuteur est placée près du visage et complète les mouvements des lèvres. La LPC est maintenant utilisée dans un peu plus de 50 langues, dont le français.

À quoi sert la LPC et à qui est-elle destinée ?

L’objectif de la LPC est de permettre aux personnes présentant une déficience auditive de différencier visuellement les sons prononcés et surtout réduire les ambiguïtés de la lecture labiale grâce à des codes manuels. La LPC s’adresse à toutes les gravités de surdité, de légère à profonde. Inventée sous le nom de Cued Speech en 1967 par un Américain, la LPC utilise des codes manuels définis et distincts de ceux de la langue des signes québécoise.

D’ailleurs, contrairement à la LSQ, la LPC calque la structure orale du français. La langue orale est donc la langue première de l’enfant et la LPC devient un soutien visuel à cette dernière. Ainsi, une représentation manuelle (les codes) est attribuée à chacun des sons prononcés et les sons jumeaux – qui produisent la même image labiale, ex. coûte et goutte – ne sont pas représentés par les mêmes codes. Alors pour faire le comparatif avec la LSQ où un signe correspond à un mot ou une idée, en LPC, chaque code correspond à un assemblage entre la consonne et les voyelles qui composent le son.

Que permet la LPC ?

Dans les recherches, ce sont surtout les avantages sur les apprentissages scolaires qui attirent l’attention. Comme l’enfant a accès à la langue orale, mais avec un soutien pour pallier les difficultés de lecture labiale, la compréhension est accrue. Aussi, puisqu’il s’agit d’une façon visuelle d’illustrer la langue, l’apprentissage de l’écrit est facilité au regard entre autres de la syntaxe et de la correspondance entre les graphèmes et les phonèmes.

En effet, l’utilisation unique de la lecture labiale ne permet souvent que 30 % de la compréhension d’un message oral. Avec la LPC, on passe à 95 % du message perçu, ce qui permet à la personne sourde d’identifier la structure grammaticale et les mots prononcés.

La LPC permet également rapidement l’intégration scolaire des enfants sourds en milieu entendant, parfois dès les premiers cycles du primaire, sinon au secondaire. Aussi, il n’est pas rare de voir des enfants utiliser la LPC dans les contextes scolaires et pas du tout en contexte social. Bien que la LPC soit un outil de communication, ce sont souvent les locuteurs et les interprètes qui codent et les élèves, eux, décodent. D’ailleurs, on peut considérer la LPC comme une mesure de soutien temporaire et avant tout scolaire qui n’est plus utile lorsque la personne comprend bien l’oral (et ses subtilités!) et intègre le marché du travail.

À cet égard, bien qu’il n’existe pas de statistiques fermes à ce sujet, des recherches ont soulevé que les enfants utilisant de façon précoce la LPC semblent bénéficier d’une meilleure compréhension du français oral et présentent un développement qui se rapproche étroitement de celui d’un enfant n’ayant pas de surdité.

Que ne permet pas la LPC ?

Comme la LPC est avant tout un mode de communication oraliste, elle ne fait pas le lien ni avec la Communauté Sourde ni avec la Culture Sourde. Les enfants n’ont donc pas nécessairement de modèles sourds autour d’eux. Sur une autre note, il faut aussi savoir que la LPC ne traduit visuellement qu’une partie du discours; elle ne traduit pas l’intonation comme à l’oral ou le sens des mots comme certains signes en LSQ. La LPC n’est donc uniquement que la transcription visuelle des sons.

Comment apprend-on la LPC ?

Contrairement à la langue des signes québécoise qui demande un investissement de temps nécessaire à la maîtrise d’une langue étrangère, il est possible d’apprendre la LPC en quelques dizaines d’heures et son utilisation ne ralentit que très peu le débit de la parole lorsqu’il est bien maîtrisé. Toutefois, un entraînement quotidien est nécessaire pour parvenir à l’utiliser avec toute la spontanéité et la fluidité du discours oral et suivre le débit normal de la parole, ce qui n’est pas toujours évident pour tous. Ainsi, pour certains parents, l’apprentissage de la LPC demeure superficiel et ne demeure utile que pour de nouveaux mots ou dans des environnements bruyants.

Où apprend-on la LPC ?

Au Québec, les services octroyés en déficience auditive le sont principalement en fonction des centres de services scolaire et de leur territoire. Actuellement, le Centre de services scolaire Marie-Victorin, sur la Rive-Sud de Montréal, est la seule à disposer d’une école qui scolarise systématiquement en LPC. Toutefois, il existe différentes initiatives et à différents degrés de services LPC un peu partout dans la province. Aussi, certains centres de réadaptation, organismes communautaires et centres de formation continue offrent des cours de LPC aux familles qui désirent l’apprendre.

Avantages de la LPC

  • Permet une meilleure compréhension de la langue orale
  • Permet un meilleur apprentissage de la langue écrite
  • S’apprend rapidement
  • S’adresse à tous les types de surdité

Limites de la LPC

  • Ne fait pas lien avec la Communauté et la Culture Sourde
  • Il est parfois difficile de trouver des interprètes maîtrisant la LPC (surtout au niveau collégial et à la formation professionnelle)
  • Difficulté à acquérir un débit rapide avec la parole sans pratique quotidienne
  • Les enfants présentant d’autres déficiences (intellectuelle, langagière) peuvent avoir de la difficulté à apprendre les codes et leur signification

Associations européennes et américaines de LPC :
Association de parents d’enfants sourds et malentendants francophones de Belgique
Association suisse pour le Langage Parlé Complété pour sourds et malentendants
Site de la LPC Belgique
ALPC
National Cued Speech Association

Références sur la LPC

– Alegria, J., & Leybaert, J. (2005). Le langage par les yeux chez l’enfant sourd : lecture, lecture labiale et langage parlé complété. Dans C. Transler, J. Leybaert & J.-É. Gombert (dir.), L’acquisition du langage par l’enfant sourd: les signes, l’oral et l’écrit. Marseille: Solal éditeur.
– Cuny, F., Dumont, A., & Mouren, M. C. (2004). Les techniques d’aide aux jeunes enfants sans langage. Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence, 52, p.490-496
– Hage, C., & Leybaert, J. (2006). The Effect of Cued Speech on the Development of Spoken Language. Dans P. E. Spencer & M. Marschark (dir.), Advances in the spoken language development of deaf and hard-of-hearing children. Oxford: Oxford University Press.
– LaSasso, C., & Crain, K. L. (2003). Research and Theory Support Cued Speech. Odyssey, 5(1), 30-35.
– Leybaert, J. (2011). La langue française Parlée Complétée (LPC): Fondements et perspectives. Marseille: Solal.
– Leybaert, J., & Alegria, J. (2003). The Role of Cued Speech in Language Development of Deaf Children. Dans M. Marschark & P. E. Spencer (dir.), Oxford Handbook of Deaf Studies, Language, and Education. Toronto: Oxford University Press.
– Reynolds, S. E. (2007). An Examination of Cued Speech as a Tool for Language, Literacy, and Bilingualism for Children Who Are Deaf or Hard of Hearing. (Master of Science in Deaf Education, Washington University School of Medicine, Washington).
– http://www.adapeda85.fr/dossiers/lpc.htm

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