Dépistage, Réadaptation, Appareillage

Émile et la stimulation « précoce »

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Extrait du numéro 195 de la revue Entendre : Les études postsecondaires

Chantal Bénard

Nous avons deux enfants. Ma fille Léonie, de neuf ans, est entendante. Notre garçon Émile qui a cinq ans est sourd profond de naissance. Il a un implant cochléaire.

Le début des doutes

Nous ne connaissions vraiment pas la surdité. Nous ne nous doutions de rien. Émile avait beaucoup de difficulté à marcher alors moi je me disais qu’il se concentrait à marcher et qu’après il parlerait. Ma mère qui gardait mon garçon a tenté, à plusieurs reprises de lui faire dire des mots. Pour lui faire plaisir, nous en avons parlé au physiatre qui assurait le suivi d’Émile, il m’a suggéré le Centre montérégien de la réadaptation (CMR).

Quelques jours plus tard, nous en avons parlé au pédiatre et, à partir de cette journée, ce fut le choc. Il m’a parlé de surdité. Le monde venait de s’écrouler. Mon fils serait à part des autres. Il serait DIFFÉRENT. À ce moment-là, nous sommes le 6 juin 2006. Émile a 18 mois. Comment je pourrais oublier cette date ! Ne sachant trop que faire à travers les rendez-vous à l’hôpital Sainte-Justine chez l’ORL (oto-rhino-laryngologiste), j’ai posté ma demande au CMR, comme on appelle une amie quand on est désespérée, mais sachant très bien qu’il manquait le degré de surdité. Nous avions vraiment besoin de services, nous étions découragés. Nous ne savions vraiment pas quoi faire.

Le diagnostic tombe

Après plusieurs rendez-vous à l’hôpital, nous avons finalement la réponse finale du diagnostic de surdité profonde en octobre 2006. Nous avons immédiatement été inscrits pour l’implant cochléaire. Je me suis empressée de fournir ce dernier renseignement au CMR. Nous avons eu les rencontres à Québec et nous savions que notre candidature était acceptée, il ne nous restait qu’à attendre la date de la chirurgie.

Nous sommes en décembre et nous sommes toujours sans nouvelles du CMR ! J’appelle pour leur expliquer que nous sommes acceptés pour l’implant cochléaire et que nous n’avons toujours pas reçu de réponse à notre demande de services. Comme par hasard, il nous est répondu que nous étions les prochains sur la liste.

Nous avons vu l’audiologiste avec qui nous avons commencé les premières thérapies afin de stimuler Émile pour qu’il soit en mesure de bien répondre lors de la programmation de l’implant. Nous avons finalement été avisés de la date de la chirurgie : le 16 février 2007. Alors le temps presse pour nous. Il faut qu’il soit prêt.

Le centre de réadaptation

Nous avons reçu notre réadaptation intensive à Québec à l’Institut de réadaptation en déficience physique de Québec (IRDPQ). WOW ! Quelle différence ! Nous avions une orthophoniste, une psychologue, un centre de stimulation, des cours de français signé, des petites rencontres avec d’autres parents vivant la même chose que nous. Nous avons cru être au paradis. Sincèrement, j’étais prête à déménager pour avoir tous ces services.

À la fin de notre trois mois et demi, quand le transfert de dossier s’est fait entre Québec et le Centre montérégien de réadaptation, nous étions encore découragés. Il n’y avait pas d’orthophoniste disponible pour nous au CMR. De plus, nous étions en plein pendant les vacances estivales. De moi-même, j’ai affirmé être prête à aller dans un autre point de services afin d’avoir des services d’orthophonie. C’est ce que nous avons fait de façon temporaire. Par la suite, à l’automne, nous avons finalement eu une orthophoniste attitrée et obtenu des services réguliers d’orthophonie et d’une éducatrice spécialisée.

À notre écoute

Ça n’allait pas du tout à cette période. Les intervenants nous suggèrent très fortement de répéter chez nous les activités vues avec l’enfant. Mais nous nous entendons pour dire que notre maison n’est pas une salle de thérapie et que nous ne sommes pas des spécialistes. Combien de fois que ces super tentatives ont échoué et tourné en catastrophes ! Nous avons essayé plein de choses avec Émile. L’éducatrice spécialisée du CMR est même venue chez nous plusieurs fois pour nous aider dans les jeux que nous avons déjà à la maison et dans les routines de la vie. C’était très apprécié, car elle pouvait voir notre vraie réalité.

Hésitation à tout arrêter

Pour être franche, mon Émile a aussi un déficit d’attention avec hyperactivité. Nous avons même songé à tout lâcher, car nous étions au bout du rouleau. On avait l’impression que rien ne fonctionnait, que l’on nageait dans la mer en pleine tempête. On faisait tout cela pour rien, on perdait notre temps et celui des intervenants.

Il est vrai que le seul reproche que je peux faire, c’est d’avoir eu de la difficulté à avoir des services au départ. Par contre, une fois que tu es embarqué dans le bateau, les intervenants sont vraiment là pour t’aider.

Heureux de ne pas avoir lâché

Aujourd’hui, je suis contente des résultats obtenus malgré tous les efforts investis. Cependant, si nous avions reçu le diagnostic dès la naissance, nous aurions sauvé beaucoup de temps et d’énergie ainsi qu’évité de très nombreuses frustrations. Je suis certaine que notre petit Émile aurait moins de retard de langage, mais que voulez-vous…

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