Espace pour les professionnels

Spécificité de la pratique professionnelle en interprétation scolaire

top_pratique_professionnelle_interpretation_scolaire

Extrait du numéro 194 de la revue Entendre: Interprétation scolaire

Suzanne Villeneuve
Interprète agréée

Cet article vise à situer le lecteur sur la dynamique particulière des facteurs qui influencent l’interprétation scolaire, et sur les différents modèles en interprétation.

Dynamique des facteurs influencant l’interprétation scolaire

Dans le secteur de l’éducation, les frontières du rôle de l’interprète risquent d’être affectées par le fait que ce dernier est parfois la seule personne apte à communiquer avec l’enfant dans l’école. Il travaille avec lui pendant de longues heures et parfois pendant plusieurs années (Napier et al., 2006).

La pratique professionnelle de l’interprète est tributaire de différents facteurs dont l’environnement de l’élève, constitué d’une part de l’enseignant et des autres membres de l’équipe-école (style d’enseignement : débit, redondance, clarté d’expression, organisation du discours). L’interprète doit aussi composer avec le degré de sensibilisation à la surdité de l’entourage. Ainsi qu’avec l’atmosphère de la classe et les actions des autres élèves (éclairage, bruits ambiants, distance, etc.).

Un autre facteur est l’élève vivant avec une surdité (habiletés cognitives, linguistiques et sociales, vécu familial, acceptation de la surdité). Finalement, les connaissances et les compétences de l’interprète ainsi que le modèle qu’il utilise constituent le dernier facteur.

Les modèles d’interprétation

Aidant

Le modèle aidant est celui qu’utilisent le plus souvent les interprètes qui n’ont pas de formation spécifique ; celui où ils sont le moins désengagés face à leur rôle. L’interprète qui adopte ce modèle a tendance à se substituer à l’enfant lui-même en l’aidant. Lorsqu’un enfant ne développe pas son autonomie parce que son interprète intervient trop pour l’aider, il risque d’échouer dans sa quête du sentiment de compétence.
Ce type d’interprète fera aussi de la discipline auprès de l’enfant. C’est alors que l’on parle d’une aide de type éducateur. L’interprète se sent responsable des réussites académiques de l’enfant et intervient en se substituant à l’enseignant qui est pourtant le seul titulaire de l’élève dans la classe.

Transmetteur

Ce modèle est issu du modèle mécaniste en interprétation où l’interprète est comparé à un robot. Ce modèle n’est pas adéquat en milieu scolaire, même s’il offre un accès complet et neutre au discours environnant puisqu’il n’encourage pas activement l’interaction entre l’élève vivant avec une surdité et son entourage.
De plus, l’interprète dont l’action s’inscrit dans ce modèle ne vise pas l’autonomie de l’enfant. Il ne se sentira pas le droit de collaborer avec les autres intervenants entourant l’enfant.

Communicateur

Ce modèle d’interprétation (issu du modèle interactionnel où chaque participant a un apport à la conversation) est celui qui offre les meilleures conditions pour une intégration harmonieuse de l’enfant vivant avec une surdité. Les autres modèles prennent rarement en considération l’importance des relations entre l’élève vivant avec une surdité et ses pairs, alors qu’il s’agit d’un élément essentiel de l’intégration (la socialisation est l’un des enjeux de l’éducation scolaire).
Dans ce modèle, on informe l’enseignant qu’il doit considérer l’élève vivant avec une surdité comme tout autre élève de sa classe pour tous les aspects de son enseignement (incluant la discipline).

Par exemple, l’interprète se permet de souligner à l’enseignant que l’élève (primaire et secondaire) n’a pas saisi une notion enseignée. Le modèle communicateur se distingue aussi du modèle transmetteur dans le sens où l’interprète encourage les liens interactifs entre les enseignants et l’élève et entre les autres enfants de la classe et l’élève. Vercaingne-Ménard, Bélanger et Villeneuve décrivent les facettes de ce modèle dans leur publication (2001). Il s’ancre dans la réalité quotidienne en visant l’autonomie de l’élève vivant avec une surdité. L’interprète de ce modèle se rapproche aussi de la conception interprète-pédagogue préconisée par l’AQEPA.

Conclusion

L’importance de la formation sur ces modèles auprès des interprètes est mise en lumière par les conséquences néfastes sur le travailleur et sur l’enfant de ne pas avoir été préalablement formé.

Aller au contenu principal